La Maçonnerie de la Marque est un Ordre indépendant de la franc-maçonnerie, qui est conféré à des Maîtres mais approfondit en fait le grade de Compagnon. La Maçonnerie de la Marque est assez peu connue sur le continent européen, alors qu’elle et très largement pratiquée dans les pays anglo-saxons. D’où vient donc la Maçonnerie de la Marque ? Quand est-elle apparue dans la franc-maçonnerie spéculative moderne ? Et quel est le contenu symbolique de la Maçonnerie de la Marque ?


Origines opératives de la Maçonnerie de la Marque 


L’usage de la Marque est bien antérieur à la franc-maçonnerie moderne. Il s’agissait que chaque Compagnon tailleur de pierre dispose d’une Marque personnelle qu’il gravait sur chacune des pierres qu’il travaillait. Ce système permettait de mesurer le travail accompli et de fixer le salaire équitablement. On trouve une trace explicite de cet usage dans les premiers "Statuts Shaw" (1598) qui fixent les usages de la Maçonnerie en Écosse : il est statué que le Surveillant doit consigner dans un registre les noms et Marques de tous les Maçons de sa Loge.


Marques Tailleurs de pierre

Cet usage opératif semble avoir été oublié par la franc-maçonnerie spéculative, mais on en trouve deux traces dans les années 1720, à une époque où la tradition opérative (notamment écossaise) coexiste encore avec la franc-maçonnerie spéculative.


Le manuscrit "Graham" de 1726 raconte qu’il y eut une dispute concernant les salaires sur le chantier du Temple de Salomon, qui amena celui-ci à donner un signe au Maçons, pour les distinguer des simples manœuvres. Ce signe désigne très probablement la Marque des Compagnons. Et l’on notera que le  "Graham"est un document anglais qui porte les traces de nombreuses influences écossaises.


Un autre témoin écossais nous parle également de cet usage. Il s’agit du "A Mason’s Confession", prétendue confession écrite d’un Maçon écossais repenti en 1727, qui fut publiée dans "The Scots Magazine" en 1755. Il est cette fois précisé que le nouvel Apprenti doit choisir une Marque qu’il appose sur ses outils pour pouvoir les reconnaître ; il s’agit très certainement de la même Marque que l’on gravait sur les pierres.


Éclipse et renouveau du thème de la Marque


Après l’introduction du grade Maître centré sur la légende d’Hiram dans les années 1730, la question du salaire des trois grades fut associée à un Mot, et non plus à un signe ou une marque. L’ancienne Marque des Compagnons tomba donc provisoirement dans l’oubli. Mais elle semble réapparaître en Angleterre à partir des années 1750 : un document du 24 janvier 1756 mentionne la Marque dans une Loge indépendante de Newcastle, qui était en relation avec la Grande Loge d’Écosse. Et la première mention de la réception de Maçons de la Marque et de Maîtres de la Marque (qui sont les titres utilisés actuellement dans la Maçonnerie de la Marque) remonte à 1769, dans un Chapitre de l’Arche Royale de Portsmouth. 


C’est désormais dans la mouvance de l’Arche Royale et non plus dans les Loges symboliques (sauf en Écosse) que l’ancienne tradition opérative de la Marque va subsister et se développer. Ce fut le fait des francs-maçons dits "Anciens", et non de la Grande Loge des "Modernes"


La Maçonnerie de la Marque au sein des Side Degrees


Quelle place la Maçonnerie a-t-elle prise au sein des Side Degrees qui se sont développés dans la franc-maçonnerie anglo-saxonne


Née en Angleterre à partir d’une ancienne tradition écossaise, la Maçonnerie de la Marque y fut pratiquée tant qu’exista la Grande Loge des "Anciens". Mais quand les deux Grandes Loges s’unirent en 1813 pour former la Grande Loge Unie d’Angleterre, la formule d’union fixa clairement que la franc-maçonnerie était formée exclusivement des trois grades d’Apprenti, de Compagnon, et de Maître, y compris la Sainte Arche Royale. Nulle mention de la Maçonnerie de la Marque, à laquelle les "Modernes" n’avaient pas adhéré. Elle fut donc purement et simplement ignorée de la Grande Loge Unie d’Angleterre jusqu’en 1878, date de la création de la Grande Loge des Maîtres Maçons de la Marque en Angleterre et au Pays de Galles, qui administre également le degré de Nautonier de l’Arche Royale.



Jeton Marque


L’Écosse, qui semble bien être l’origine de cette tradition, connaît deux manières d’accéder à la Maçonnerie de la Marque : elle peut être conférée soit au sein de la Loge symbolique, comme un complément du grade de Compagnon, soit au sein d’un Chapitre de l’Arche Royale.


En Irlande, la Maçonnerie de la Marque fait partie intégrante de l’Arche Royale, dont elle constitue obligatoirement la première étape. Aux États-Unis, au Canada et dans plusieurs autres pays, la Maçonnerie de la Marque est également incluse dans le Chapitre de l’Arche Royale, mais cette fois-ci dans le cadre plus large du Rite d’York.

Contenu symbolique de la Maçonnerie de la Marque 


Une partie de la cérémonie de réception de la Maçonnerie de la Marque consiste à demander au récipiendaire de choisir une Marque qui le caractérise. C’est là l’aspect opératif de ce degré. 


Mais on trouve dans la Maçonnerie de la Marque une dimension plus spirituelle, qui tourne autour d’un verset biblique : "la pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle" (Psaume 118, 22), que les Évangiles appliquent à Jésus lui-même. La Maçonnerie de la Marque met cette image en scène en recourant au thème de la Clé de Voûte : cette Pierre taillée à la forme particulière a été taillée, mais rejetée par les Surintendants, qui la jugent impropre à l’ouvrage. Mais vient le moment où le Premier Surveillant constate que les travaux sont à l’arrêt parce que manque la pierre taillée pour être la Clé de Voûte. La fameuse pierre qui avait rejetée est donc enfin retrouvée et celui qui l’a taillée félicité.


Le rituel de la Maçonnerie de la Marque est ainsi emblématique des Side Degrees anglo-saxons, qui articulent toujours tradition opérative et symbolisme biblique.

20 mai, 2024 — Ion Rajalescu
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