🚚 LIVRAISON OFFERTE DÈS 20 € D’ACHAT EN FRANCE 🔥 NOUVEAUX PRIX SUR TOUT LE SITE !

Le mot MB franc-maçonnerie est l’un des signes les plus anciens et les plus énigmatiques du grade de Maître. Présent très tôt dans les manuscrits, il apparaît sous des formes variées — parfois obscures — dont l’origine ne fait pas consensus. Le mot MB franc-maçonnerie renvoie aujourd’hui à la légende d’Hiram, mais cette association est-elle vraiment primitive ? Avant Hiram, d’autres récits circulaient, d’autres logiques symboliques dominaient. Retracer l’histoire du mot MB franc-maçonnerie, c’est remonter vers les premiers rituels connus et interroger ce qui, au XVIIᵉ siècle déjà, donnait sens à ce mot devenu central.

La première occurrence du mot MB en franc-maçonnerie : que révèle le manuscrit Sloane ?

Le premier témoignage connu d’un mot MB apparaît dans le manuscrit Sloane n° 3329, daté aux environs de 1700 mais parfois considéré — notamment par le révérend Woodford, son éditeur en 1872 — comme la copie d’un document bien plus ancien, peut-être antérieur à 1640. Ce texte se situe à la croisée de deux mondes : il mentionne des Freemasons opératifs, ce qui suggère une origine anglaise, mais il emploie des termes typiquement écossais, comme les titres d’Apprentis et de Compagnons (Interprintices et Fellow craftes) ou les Mots J et B. Tout indique une influence directe de la Maçonnerie écossaise du Mot de Maçon.

Fac-similé du manuscrit Sloane n° 3329 (vers 1700), l’un des premiers documents mentionnant un Mot réservé aux Maîtres. Témoignage essentiel de la transition entre la Maçonnerie écossaise du Mot de Maçon et la première spéculation anglaise.

C’est dans ce contexte hybride qu’apparaît un mot réservé aux Maîtres, transmis lors d’un attouchement rappelant fortement les futurs Cinq Points de la Maîtrise. Ce mot est MAHABYN, dont aucune explication n’est donnée. Si byn ne renvoie à rien en Anglais moderne naissant, il est en revanche attesté en Scots English comme signifiant « os ». L’origine écossaise du terme se laisse donc entrevoir — sans pour autant éclairer la première partie du mot, maha. À ce stade, tout indique que nous sommes face à une énigme linguistique et rituelle dont les clés n’apparaîtront que plus tard.


Comment évolue le mot MB entre 1710 et 1730 ?

Entre 1710 et 1730, les manuscrits et divulgations offrent une série de variantes du mot MB, qui permettent de mieux comprendre l’ancien Mahabyn du Sloane. Le manuscrit Trinity College (1711) présente MATCHPIN ; A Mason’s Examination (1723) donne MAUGHBIN ; The Whole Institutions of Free-masons opened (1725) mentionne MAGBOE ; et enfin, le Masonry Dissected de Pritchard (1730) fixe pour les Modernes la forme bien connue MACHBENAH, interprétée comme « il est frappé, l’Architecte », en lien direct avec la légende d’Hiram.

Mais c’est le manuscrit Graham (1726) qui livre l’indice essentiel : il ne donne pas le mot lui-même, mais l’explique par la formule énigmatique « marrow in this bone », « il y a de la moelle dans cet os ». Cette association entre la moelle et l’os, absente du contexte hiramique, renvoie à un récit plus ancien et annonce déjà l’ancrage noachique du premier mot MB.


Le mot MB renvoie-t-il réellement à un “os” ?

L’indice décisif fourni par le manuscrit Graham — « marrow in this bone » — confirme que la seconde partie du premier mot MB, byn, renvoie à l’« os » du Scots English, où le terme est attesté sous diverses formes (ban, bane, bin, byn). L’évolution ultérieure vers Mahabone ou Moabon ne fait que renforcer cette lecture.

Reste à comprendre la première syllabe, maha, totalement étrangère à l’anglais moderne ancien.

Le Scots English éclaire-t-il la première syllabe du mot MB ?

Oui. La forme Maughbin, attestée dans A Mason’s Examination (1723), fournit une clé essentielle. En Scots English, maugh (ou moach, moch) désigne ce qui est humide, macéré, en fermentation ou en putréfaction. C’est un terme utilisé pour décrire une matière organique dégradée, parfois malodorante. Cette nuance renvoie directement à la scène du Graham, où les fils de Noé trouvent le corps de leur père en décomposition avancée.

Noé et ses fils construisant l’Arche. Chromolithographie du XIXᵉ siècle (Aurea Bibbia classica, Giovanni Ladislao Sykora). L’iconographie noachique rappelle le cadre symbolique associé aux premières formes du mot MB.

Ainsi, maugh n’évoque pas la moelle elle-même, mais l’état du corps dans lequel elle est découverte — un détail crucial du récit noachique.

Le mot MB contient-il une racine hébraïque désignant la moelle ?

Très probablement. Le Scots English ne suffit pas à rendre compte du lien explicite entre le mot et la formule du Graham. Or un mot hébreu correspond parfaitement : מֹחַ (moaḥ), qui signifie la moelle.

Le Graham parle justement de moelle (marrow). Et un Écossais du XVIIᵉ siècle, peu familier des gutturales sémitiques, aurait rendu le final par un son proche de gh, ch ou och, ce qui conduit naturellement à maugh / moach / moch.

Ainsi, Maughbin associe clairement : la moelle (moaḥ, en hébreu), l’os (byn, en Scots English) et la putréfaction (maugh, en Scots English). Le premier mot MB apparaît donc comme un mot bilingue, formé à partir de l’hébreu biblique et du Scots English, dans un contexte où les pasteurs protestants écossais — souvent hébraïsants — jouaient un rôle actif dans la Maçonnerie du Mot de Maçon.


MATCHPIN et MAGBOE contredisent-ils cette interprétation ?

Les variantes MATCHPIN (manuscrit Trinity College, 1711) et MAGBOE (The Whole Institutions of Free-masons opened, 1725) ne remettent pas en cause l’hypothèse d’un premier mot MB fondé sur Maughbin/Mahabyn. Elles semblent plutôt en être des déformations, issues d’une transmission à la fois orale et écrite dans des contextes linguistiques différents.

Dans le cas de MATCHPIN, tout porte à croire qu’il s’agit d’une déformation phonétique de Maughbin. Le son ch guttural, courant en Scots English, n’existe pas en Anglais moderne naissant : il tend donc à devenir tch lorsqu’un locuteur anglais tente de le reproduire. Ce glissement modifie naturellement la structure du mot. 

De plus, la terminaison -bin peut aisément devenir -pin, car la consonne affriquée tch s’accorde plus facilement avec une occlusive sourde (p) qu’avec une occlusive voisée (b). En prononçant rapidement Maughbin, un auditeur anglophone peut ainsi entendre — et retranscrire — Matchpin, sans avoir la moindre notion de sa formation initiale.

Quant à MAGBOE, le glissement est encore plus transparent : Maha devenant Mag est plausible, surtout si une forme intermédiaire du type Maughbone a circulé ; boe peut être une déformation directe de bone, ou le résultat d’une articulation imparfaite ; un imprimeur non maçon, recopiant un manuscrit mal déchiffré, peut omettre une lettre, notamment le n final de bone.

Ainsi, MATCHPIN et MAGBOE n’indiquent pas l’existence d’un mot MB concurrent : ils confirment plutôt la diffusion d’un terme d’origine écossaise, difficile à prononcer et à transcrire pour des scribes anglais, et voué à de multiples altérations.


Quelle est la première forme du mot MB et quel lien entretient-elle avec l’origine du grade de Maître ?

La première forme du mot MB semble avoir été Mahabyn/Maughbin, issue du milieu écossais du Mot de Maçon. Le manuscrit Sloane en donne la plus ancienne attestation, tandis que le Graham offre la clé d’interprétation (« marrow in this bone ») qui éclaire son sens premier, nettement noachique. Les deux documents témoignent de la présence, en Angleterre, d’éléments rituels ou terminologiques empruntés à la tradition écossaise.

Cette convergence suggère qu’une forme primitive du grade de Maître — fondée non sur Hiram mais sur Noé — pouvait circuler en Écosse avant la structuration londonienne du début du XVIIIᵉ siècle. Nous ignorons tout de sa forme rituelle exacte, mais l’existence d’un mot distinct pour les Maîtres, antérieur à MACHBENAH, plaide pour l’existence d’un tel degré, peut-être connu seulement d’un nombre limité de Frères.

La rareté des sources s’explique aisément : la Maçonnerie écossaise du XVIIᵉ siècle n’a laissé aucun manuscrit avant 1696 – le Manuscrit Edinburgh Register House, suivi vers 1700 par le Manuscrit Chetwode Crawley, au contenu presqu’identique, qui ni l’un ni l’autre ne mentionnent un troisième grade. 

Le silence documentaire ne permet pas d’infirmer l’existence d’un tel degré ; il signale simplement que la Maçonnerie du XVIIe siècle était essentiellement une culture orale et que le serment de secret y était bien respecté. Un hypothétique troisième grade qui aurait été conféré de manière restreinte n’avait quasiment aucune chance de laisser des traces écrites.


Pourquoi le Mot MACHBENAH des Modernes s’est-il imposé au XVIIIᵉ siècle ?

Le MACHBENAH des Modernes apparaît pour la première fois dans la divulgation de Samuel Pritchard, Masonry Dissected (1730). Il est interprété comme signifiant « Il est frappé, l’Architecte » et s’inscrit dans un récit entièrement nouveau : la légende d’Hiram, mise en scène selon une dramaturgie centrée sur le meurtre du Maître et la recherche de son corps par neuf Maîtres. Rien n’indique que cette légende ait existé avant les années 1720 ; elle ne figure dans aucun manuscrit antérieur.

Plusieurs éléments montrent que ce nouveau mot, tout en restant un mot MB, marque une rupture par rapport à Mahabyn/Maughbin. La référence explicite à un meurtre oriente désormais le grade vers une lecture morale et symbolique : Hiram devient celui qui garde son secret dans la mort, et ses Assassins figurent les passions humaines. Cette construction dramatique contraste fortement avec la légende noachique, où la mort n’est ni un crime ni un châtiment, mais un simple fait humain, placé sous le signe d’un secret plus universel.

Pourtant, la nouvelle structure du grade conserve plusieurs réminiscences du modèle antérieur : rupture des jointures, relèvement par les Cinq Points de la Maîtrise, adoption d’un mot MB, et recours à la première parole prononcée lors de la découverte du corps. Ces parallèles montrent que les Modernes n’ont pas créé leur système ex nihilo ; ils ont réorganisé un matériau rituel plus ancien autour d’un thème narratif inédit.

Ainsi, MACHBENAH s’impose parce qu’il correspond au nouveau récit hiramique, adapté à la volonté des Modernes de structurer un système de trois grades doté d’une progression morale, dramatique et symbolique. Le mot devient la signature de cette refondation.


D’où vient la légende d’Hiram et pourquoi nécessitait-elle un nouveau Mot MB ?

La légende d’Hiram, telle qu’on la connaît aujourd’hui, semble avoir été élaborée par les Modernes dans les années 1720–1730. Aucun manuscrit antérieur ne la mentionne, et elle n’appartient pas à la tradition écossaise du Mot de Maçon. Pourtant, l’idée du Maître d’œuvre assassiné n’est pas entièrement nouvelle : dans les traditions de bâtisseurs, on trouve déjà des récits où le chef de chantier meurt tragiquement, comme celui de Maître Jacques dans le Compagnonnage français. Ce fonds légendaire a pu fournir une matrice narrative.

L’introduction de ce récit transforma profondément le grade de Maître. Le secret transmis n’est plus celui d’un patriarche fondateur (Noé), mais celui d’un Maître d’œuvre qui incarne la fidélité à une loi intérieure. Le meurtre d’Hiram donne au grade une dimension morale forte : les passions qui abattent le Maître deviennent les ennemis que le Maçon doit dompter en lui-même, tandis que la quête du Mot perdu acquiert une portée plus introspective.

Réception au grade de Maître. Gravure du XVIIIᵉ siècle illustrant une scène traditionnelle du troisième grade dans les premiers catéchismes maçonniques.

Ce changement de perspective nécessitait un mot MB nouveau. Le terme hérité du récit noachiqueMahabyn/Maughbin — s’accordait mal avec la dramaturgie d’Hiram, où l’accent porte sur la violence, la rupture et la recherche d’une parole enfouie. MACHBENAH traduisait mieux cette dynamique dramatique : un mot à la fois sombre et énergique, forgé pour commenter l’événement central du récit, et dont la sonorité permettait de conserver la structure traditionnelle du Mot en MB.

Ainsi, l’apparition du récit hiramique n’est pas une simple innovation : elle impose une recomposition complète du symbolisme du troisième grade, et le changement de mot MB en constitue la trace la plus visible.


Comment les Anciens ont-ils réagi au nouveau Mot MB des Modernes ?

Lorsque les Anciens fondent leur Grande Loge en 1753, ils reprochent aux Modernes d’avoir altéré les rituels primitifs et d’avoir introduit un grade de Maître qu’ils jugent inauthentique. Il est toutefois peu probable que ces critiques visent l’idée même d’un troisième grade : la présence d’un Mot réservé aux Maîtres dans les manuscrits antérieurs à 1730 montre qu’une distinction existait déjà. Ce que contestaient les Anciens, c’était la nouvelle structure dramatique introduite par les Modernes, et surtout le mot MB associé à ce récit.

Plutôt que de reprendre MACHBENAH, ils adoptent ou conservent une forme beaucoup plus ancienne : MAHABONE, héritée des variantes écossaises du Mot de Maître. Ce choix n’est pas seulement terminologique ; il marque la volonté de s’inscrire dans une tradition qu’ils estiment plus ancienne, plus conforme à l’esprit des premiers Maçons spéculatifs.

Pourtant, la frontière entre les deux systèmes n’est pas totalement imperméable. De nombreux rituels montrent que les Modernes connaissaient encore l’idée de l’« os » — héritée de Mahabyn/Maughbin — et que cette symbolique n’a pas totalement disparu : MACHBENAH est parfois interprété comme « la chair quitte les os ». De même, l’édition de 1738 des Constitutions d’Anderson, plus théiste que celle de 1723, place explicitement la franc-maçonnerie sous la figure de Noé, qualifiant les franc-maçons de « vrais Noachides ».

Ces indices montrent que, même chez les Modernes, la mémoire de la première tradition n’était pas entièrement effacée. Le débat entre Anciens et Modernes n’est donc pas seulement une question de mots : c’est une tension entre deux récits fondateurs — Noé ou Hiram — et deux conceptions du secret maçonnique.


Conclusion : que reste-t-il de la tradition noachique dans le mot MB ?

Lorsque MAHABONE s’impose dans les usages anglais au XIXᵉ siècle, il ne remplace pas simplement MACHBENAH : il réintroduit discrètement une part de la tradition antérieure. Le modèle hiramique demeure, mais le vocabulaire du premier mot MB — construit autour de l’os, de la moelle et du corps dégradé — continue d’affleurer comme la trace persistante d’une lecture noachique plus ancienne.

Cette mémoire souterraine se manifeste moins dans les rituels symboliques que dans certains hauts grades, où Noé reste associé à un secret primordial, distinct de celui d’Hiram. La franc-maçonnerie hérite ainsi de deux niveaux symboliques : l’un, hiramique, devenu majoritaire ; l’autre, noachique, plus archaïque, mais jamais totalement effacé.

L’histoire du mot MB témoigne de cette superposition. Elle montre comment une tradition nouvelle peut s’imposer sans abolir la précédente, et comment une même structure rituelle peut accueillir, d’une époque à l’autre, des significations différentes sans perdre sa continuité intérieure.

Par Ion Rajolescu, rédacteur en chef de Nos Colonnes — au service d’une parole maçonnique juste, rigoureuse et vivante

Pour prolonger l’étude de la tradition noachique, découvrez la collection du Nautonier de l’Arche Royale.

View all

FAQ – L’origine du Mot MB en franc-maçonnerie 

1. Qu’appelle-t-on le Mot MB en franc-maçonnerie ?

Le mot MB désigne un mot en deux parties, traditionnellement réservé au grade de Maître. Ses premières formes — Mahabyn ou Maughbin — apparaissent avant la légende d’Hiram et semblent issues de la Maçonnerie écossaise du Mot de Maçon.

2. Quelle est la plus ancienne occurrence du Mot MB ?

La première mention se trouve dans le manuscrit Sloane n° 3329 (vers 1700), qui cite le mot Mahabyn. Ce texte atteste déjà un mot réservé aux Maîtres, distinct des Mots J et B, et lié à une tradition écossaise.

3. Le Mot MB renvoie-t-il vraiment à un “os” ?

Oui. La partie byn du mot correspond à « os » en Scots English. Cette clé apparaît clairement dans le manuscrit Graham (1726), qui associe le secret à la formule « marrow in this bone ».

4. Pourquoi certains manuscrits donnent-ils MATCHPIN ou MAGBOE ?

Ces variantes résultent probablement de déformations phonétiques ou de recopiages fautifs par des scribes anglais unfamiliarisés avec les sons gutturaux du Scots English. Elles n’indiquent pas un mot concurrent.

5. Quel est le lien entre le Mot MB et l’hébreu ?

La première syllabe du mot pourrait dériver de מֹחַ (moaḥ), « la moelle ». Prononcé par des Écossais, ce son guttural a pu devenir maugh/moach, renforçant l’association entre moelle et os dans le Graham.

6. Le premier Mot MB concernait-il déjà Hiram ?

Non. Les premières occurrences du mot MB renvoient à un récit noachique, non à la légende d’Hiram. Le lien avec Hiram apparaît seulement chez les Modernes dans les années 1720–1730.

7. Pourquoi les Modernes ont-ils introduit MACHBENAH ?

MACHBENAH correspond à la dramaturgie du nouveau récit hiramique, centré sur le meurtre du Maître et la recherche du corps. Le mot s’accorde mieux à ce contexte que Mahabyn, hérité du modèle noachique.

8. Les Anciens rejetaient-ils le troisième grade ?

Ils ne rejetaient pas l’idée d’un troisième grade, mais le rituel hiramique des Modernes. Ils ont conservé la forme MAHABONE, issue de la tradition écossaise, qu’ils jugeaient plus ancienne.

9. Le Mot MB a-t-il existé avant 1730 ?

Oui. Les manuscrits Sloane et Graham montrent qu’un Mot réservé aux Maîtres existait déjà avant Masonry Dissected. Sa forme primitive était probablement noachique.

10. Le Mot MB a-t-il aujourd’hui une seule signification ?

Non. Le système maçonnique conserve deux couches symboliques : l’une noachique (plus ancienne), l’autre hiramique (devenue dominante). MAHABONE porte encore la trace de cette superposition.


Retrouvez ici la retranscription complète du podcast pour ceux qui préfèrent la lecture ou souhaitent approfondir les échanges.

PODCAST —  L’origine du Mot MB en franc-maçonnerie

Il existe, dans la franc-maçonnerie, un mot singulier. Un mot ancien, réservé au grade de Maître, que l’on connaît aujourd’hui sous plusieurs formes : Mahabyn, Maughbin, Mahabone… le Mot MB. On l’associe spontanément à la légende d’Hiram, mais lorsque l’on remonte aux premiers manuscrits, on découvre une tout autre histoire, plus ancienne, plus obscure, et, dans un certain sens, plus fondamentale.

Tout commence avec le manuscrit Sloane n° 3329, vers mille-sept-cents. Il mentionne un mot pour les Maîtres : Mahabyn. Aucune explication. Aucune mise en scène. Juste un mot, transmis lors d’un attouchement qui rappelle les futurs Cinq Points de la Maîtrise. Et ce mot ne renvoie pas encore à Hiram, mais à une tradition écossaise plus ancienne, celle du Mot de Maçon. Un autre manuscrit, le Graham, daté de mille-sept-cent-vingt-six, nous donne la clé. Il rapporte une scène étrange : les fils de Noé découvrant le corps de leur père en décomposition. Ils tentent de le relever. Les jointures se détachent. Et l’un d’eux s’exclame : « Il y a de la moelle dans cet os. » Cette phrase semble anodine. Elle est pourtant décisive. Car dans le mot Mahabyn, la seconde syllabe, byn, signifie « os » en Scots English. Et la première pourrait dériver de l’hébreu moaḥ, « la moelle », prononcée avec un guttural écossais : maugh, moach, moch. Le premier Mot MB résume donc deux éléments de la légende noachique : la moelle et l’os.

Entre mille-sept-cent-dix et mille-sept-cent-trente, plusieurs variantes apparaissent : Matchpin, Maughbin, Magboe. Elles ne révèlent pas une autre tradition. Elles témoignent simplement des déformations qui surviennent lorsque des sons écossais passent dans la bouche de scribes anglais : un guttural devient un affriqué, un bin devient pin, un bone devient boe. Rien n’indique un mot concurrent. Tout confirme un mot écossais mal entendu.

Si ce mot existait, y avait-il un grade de Maître avant Hiram ? Peut-être. Nous ignorons tout de sa forme rituelle exacte, mais l’existence d’un mot spécifique pour les Maîtres, antérieur à la réforme des Modernes, laisse supposer un degré précoce, peut-être réservé à un cercle restreint. Les sources écossaises sont peu nombreuses. Aucun manuscrit du Mot de Maçon n’apparaît avant seize-quatre-vingt-seize, avec l’Edinburgh Register House, puis le Chetwode Crawley. Ils ne mentionnent pas de troisième grade. Mais ce silence ne prouve rien : la Maçonnerie du dix-septième siècle était une culture orale, rigoureusement fidèle au serment de secret. Un degré réservé n’aurait laissé presque aucune trace.

Puis viennent les Modernes. Dans Masonry Dissected, en mille-sept-cent-trente, apparaît un nouveau mot : MACHBENAH. Il s’accorde à un nouveau récit : la légende d’Hiram, centrée sur le meurtre du Maître d’œuvre et la quête du Mot perdu. La dramaturgie se transforme. Le sens moral se renforce. Et le mot change. Les Anciens, un quart de siècle plus tard, refuseront cette innovation. Non pas le troisième grade lui-même, mais le rituel hiramique des Modernes. Ils conserveront Mahabone, qu’ils estiment plus ancien. Deux traditions coexistent alors : l’une noachique, l’autre hiramique.

Lorsque les deux courants s’unissent au début du dix-neuvième siècle, Mahabone s’impose. Mais il n’efface pas totalement la mémoire du premier mot. Son étymologie, sa sonorité, son imaginaire continuent de porter, en sourdine, la trace d’une tradition plus archaïque. On la retrouve dans certains hauts grades, autour de Noé, et dans les symboles liés à l’os et à la moelle. L’histoire du Mot MB n’est donc pas celle d’une substitution. C’est celle d’une superposition. Deux récits, deux strates symboliques, deux manières de dire un même mystère : ce qui se perd, ce qui se transmet, et ce qui demeure — même lorsque les mots changent.

10 diciembre, 2025
Etiquetas: Histoire