Le Lacs d’Amour en franc-maçonnerie : histoire, symbolisme et usages

Le Lacs d’Amour en franc-maçonnerie est un motif discret, mais présent partout : sur les tapis de loge, les tabliers, les gants ou encore les bijoux rituels. À première vue, il ne s’agit que d’un simple nœud de corde. Pourtant, le Lacs d’Amour en franc-maçonnerie porte en lui une longue histoire, héritée de l’art héraldique, des usages opératifs et des traditions spirituelles. Aujourd’hui encore, il demeure un symbole de fraternité et d’unité. Mais que signifie exactement le Lacs d’Amour en franc-maçonnerie, et pourquoi a-t-il trouvé une place si centrale dans les décors maçonniques ?

Qu’est-ce que le Lacs d’Amour en franc-maçonnerie ?

Avant d’explorer ses origines et ses significations, il faut d’abord comprendre ce qu’est, concrètement, le Lacs d’Amour. Sur le plan opératif, il s’agit d’un simple nœud de huit réalisé sur un seul brin de corde. Dans le langage marin, on l’appelle aussi nœud flamand. Sa particularité réside dans sa mobilité : il peut être desserré et déplacé le long de la corde, ce qui en fait un outil pratique et adaptable.

Cet usage n’a rien d’anecdotique. Les bâtisseurs médiévaux s’en sont servis pour élaborer un instrument fondamental : la corde à treize nœuds. Grâce à ce dispositif, les ouvriers pouvaient diviser une longueur en douze intervalles égaux, reproduisant ainsi la proportion 3-4-5 du triangle rectangle. Ce simple morceau de corde devenait ainsi un moyen de tracer l’angle droit, indispensable à l’édification d’un mur stable ou d’un temple harmonieux. Trois ouvriers suffisaient : l’un tenait les extrémités, le deuxième le quatrième nœud, le troisième le huitième. En tendant la corde, apparaissait alors une figure parfaite, directement issue du théorème de Pythagore.

Figures géométriques que l’on peut réaliser avec la corde à treize noeuds.

Derrière l’apparente simplicité du nœud, on découvre donc un outil de haute précision. Le Lacs d’Amour relie d’emblée deux mondes : celui du travail concret des bâtisseurs et celui de la géométrie symbolique. Ce nœud, que l’on retrouve aujourd’hui sur les décors maçonniques, rappelle à la fois l’art du constructeur et la quête spirituelle de l’initié, pour qui l’angle droit reste le fondement de tout édifice intérieur.

Origines héraldiques et religieuses du Lacs d’Amour en franc-maçonnerie

Le terme Lacs d’Amour n’est pas d’origine maçonnique. Il vient du vocabulaire héraldique, cet art subtil qui codifiait le blasonnement des armes des familles nobles et des États européens. On retrouve ce motif notamment dans les descriptions héraldiques de la Savoie et de la Bretagne, où il prend le nom de nœud de Savoie ou de nœud de Bretagne.

Armoiries d’Amédée VI de Savoie, dit "Le Comte Vert" (1334-1383), fondateur en 1364 de l’Ordre de l’Annonciade, auquel il conféra un collier fait de Lacs d’amour.

Mais d’où vient ce choix symbolique ? L’héraldique semble avoir voulu rendre hommage à une tradition religieuse : celle des Franciscains, alors appelés Cordeliers, disciples de saint François d’Assise. Ces religieux portaient en ceinture une corde nouée de trois nœuds, rappelant leurs vœux de pauvreté, chasteté et obéissance. La charité ardente de François, son dévouement et son amour universel marquèrent si profondément les esprits que le motif fut associé à l’idée d’« amour ». C’est ainsi que, dans le langage héraldique, on en vint à parler de Lacs d’Amour.

Il convient de lever une confusion fréquente : lacs — avec un s même au singulier — ne renvoie pas à un plan d’eau, mais vient du latin laqueus, qui signifie corde, lien, attache. Ce vieux mot français, tombé en désuétude, ne subsiste plus guère que dans son diminutif lacet.

Ainsi, bien avant d’être adopté par la franc-maçonnerie, le Lacs d’Amour portait déjà une riche dimension : lien héraldique, hommage religieux, symbole d’attachement et de fraternité. Il était à la fois un signe d’appartenance nobiliaire et une évocation spirituelle, ce qui le prédestinait à entrer plus tard dans l’univers maçonnique.

Le Lacs d’Amour en franc-maçonnerie au XVIIIᵉ siècle

C’est au cours du XVIIIᵉ siècle que le Lacs d’Amour fait son entrée dans l’univers maçonnique. En France surtout, où la franc-maçonnerie, d’abord importée d’Angleterre, prend très vite une coloration propre, marquée par l’esprit aristocratique, lettré et symboliste des loges de l’époque. Les outils des bâtisseurs n’étaient déjà plus utilisés pour travailler la pierre : ils devenaient des allégories destinées à instruire l’initié dans le langage des symboles.

Les francs-maçons français, souvent issus de la noblesse ou de la haute bourgeoisie, familiers des codes héraldiques, choisirent alors de nommer les nœuds de la corde maçonnique du terme prestigieux qu’ils connaissaient : Lacs d’Amour. Ce choix traduisait moins une référence à la charité franciscaine qu’une volonté d’exprimer, dans un vocabulaire noble, l’idéal d’amour fraternel.

La corde qui entoure la loge, ornée de ces nœuds, devient ainsi un symbole visible de l’unité des membres. On souligne même un parallèle gestuel : les Lacs d’Amour évoquent la position des bras croisés lors de la Chaîne d’Union, ce moment rituel où tous les frères se lient les uns aux autres dans un cercle vivant.

Par ce transfert sémantique, un motif opératif et héraldique devient pleinement maçonnique. À partir de cette époque, le Lacs d’Amour incarne dans les loges françaises une valeur centrale : la fraternité qui dépasse les différences sociales et unit les initiés dans une même chaîne spirituelle.

Symbolisme spirituel et maçonnique du Lacs d’Amour en franc-maçonnerie

Le Lacs d’Amour n’est pas seulement un motif décoratif : il est devenu, dans la franc-maçonnerie, l’un des symboles les plus éloquents de la fraternité. Chaque nœud rappelle à l’initié qu’il est relié aux autres, comme un fil qui relie les pierres d’un même édifice. Il exprime à la fois l’union, la concorde et la fraternité qui doivent régner entre tous les francs-maçons.

Lorsqu’il est représenté sur la corde qui entoure la loge, le Lacs d’Amour matérialise un cercle protecteur. Il n’enferme pas : il rassemble. Il ne sépare pas : il relie. Sa signification prend toute sa force dans le moment rituel de la Chaîne d’Union, où les frères, bras croisés, forment ensemble un anneau vivant. Le nœud souvent visible sur les décors rejoint alors le geste concret des corps, et de cette union naît ce que certains appellent l’égrégore, cette force spirituelle collective qui dépasse chaque individu.

Tapis de loge entouré de lacs d’amour.

Mais ce symbole spirituel reste en cohérence avec l’usage opératif du nœud. Dans la corde à treize nœuds, trois ouvriers devaient coopérer pour tracer un angle droit parfait. L’union des gestes produisait la justesse de la figure. Ainsi, de l’outil opératif à la signification symbolique, le message reste le même : sans union, pas d’édifice véritable ; sans concorde, pas d’harmonie.

Le Lacs d’Amour en franc-maçonnerie incarne donc à la fois une mémoire des bâtisseurs et une exigence pour les initiés : construire ensemble, dans l’équilibre et la fraternité, un temple digne de porter la Lumière.

Le Lacs d’Amour en franc-maçonnerie dans les décors et objets rituels

L’usage du Lacs d’Amour ne se limite pas à la corde symbolique entourant la loge. Avec le temps, ce motif a trouvé place sur une multitude de décors et d’objets maçonniques, devenant l’un des ornements les plus reconnaissables de l’art maçonnique.

On le retrouve d’abord sur les tapis de loge, notamment aux deux premiers grades, où il ponctue la bordure et rappelle que l’espace rituel est circonscrit par le lien fraternel. Sur les tabliers également, il peut apparaître en broderie, venant souligner que la dignité maçonnique s’inscrit dans un cadre de fraternité.

Les cordons et sautoirs s’ornent aussi de Lacs d’Amour, témoignant que les charges et offices, quelles que soient leurs responsabilités, demeurent unis dans une même chaîne. Plus tard, l’ornement s’est diffusé sur des objets plus modestes mais tout aussi éloquents : gants, chapeaux, pin’s, médailles ou bijoux de loge.

Cette prolifération n’a rien d’anecdotique : elle illustre la permanence d’un symbole qui dépasse les usages opératifs pour entrer pleinement dans la culture visuelle de la franc-maçonnerie. Le Lacs d’Amour agit comme un rappel discret mais constant de l’idéal maçonnique : fraternité, concorde et construction commune.

Aujourd’hui encore, qu’il soit brodé sur un tablier, gravé sur un bijou ou imprimé sur un tapis, il signale au franc-maçon qu’il ne chemine jamais seul. Chaque fois que l’œil rencontre ce motif, c’est l’invitation à se souvenir que l’initiation n’a de sens que vécue dans l’union.

Le Lacs d’Amour en franc-maçonnerie comme géométrie sacrée de l’union

Le Lacs d’Amour n’est pas seulement un motif ornemental : sa forme même suggère une profondeur symbolique. Réalisé à partir d’un seul brin de corde, il dessine une boucle fermée qui évoque l’idée d’infini. Beaucoup y voient un rappel du lemniscate (∞), ce signe mathématique de l’éternité, qui exprime aussi bien la continuité du lien maçonnique que l’ouverture vers une dimension spirituelle.

Dans son usage opératif, le nœud n’avait de valeur que par l’action coordonnée de trois compagnons : l’un tenant les extrémités de la corde, les deux autres saisissant les nœuds intermédiaires pour former un triangle parfait. De cette union des gestes naissait la justesse de l’angle droit. Transposé dans l’ordre symbolique, le message est limpide : seule l’harmonie des volontés permet de bâtir un édifice solide, qu’il soit matériel ou intérieur.

Le Lacs d’Amour exprime donc une géométrie sacrée. Il ne s’agit pas simplement d’un lien physique, mais d’une figure qui révèle une loi spirituelle : l’union engendre l’équilibre, la concorde fonde l’harmonie. Chaque nœud devient le signe visible d’un principe invisible : l’accord des cœurs et des esprits.

Ainsi, contempler un Lacs d’Amour, c’est se souvenir que la franc-maçonnerie n’est pas l’addition de parcours individuels, mais une construction commune. Le temple intérieur ne s’édifie que dans la mesure où chaque maçon accepte de s’unir aux autres, afin de tendre ensemble vers la rectitude et la Lumière.

Conclusion – Le Lacs d’Amour en franc-maçonnerie, héritage vivant de la fraternité

Le Lacs d’Amour en franc-maçonnerie illustre à merveille le passage d’un outil opératif à un symbole spirituel. Né du geste simple du nœud de huit, transmis par l’héraldique et la tradition religieuse, il a trouvé dans les loges du XVIIIᵉ siècle une signification nouvelle : celle de l’union fraternelle. Aujourd’hui encore, qu’il orne un tablier, un tapis ou un bijou, il rappelle à chaque franc-maçon que la construction du Temple n’est possible qu’ensemble. Dans chaque Lacs d’Amour se nouent la mémoire des bâtisseurs et l’exigence vivante de la fraternité maçonnique.

Par Ion Rajolescu, rédacteur en chef de Nos Colonnes — au service d’une parole maçonnique juste, rigoureuse et vivante

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Podcast – Le Lacs d’Amour en franc-maçonnerie 

Aujourd’hui, je vous propose de plonger dans un symbole discret mais essentiel de la franc-maçonnerie : le Lacs d’Amour. À première vue, ce n’est qu’un nœud de corde. Pourtant, son histoire et sa signification en font un fil rouge qui relie les bâtisseurs médiévaux, l’héraldique nobiliaire, les traditions religieuses et l’univers symbolique des loges.

Le Lacs d’Amour, c’est d’abord un nœud de huit. Dans les usages marins, on le connaît comme le nœud flamand. Sa particularité : il est mobile. On peut le desserrer et le déplacer. Les anciens bâtisseurs s’en sont servis pour créer un outil fondamental : la corde à treize nœuds. Grâce à elle, ils pouvaient diviser une longueur en douze intervalles égaux et tracer un angle droit parfait, selon le théorème de Pythagore. Trois compagnons suffisaient : l’un tenant les extrémités, les deux autres saisissant les nœuds intermédiaires. Ensemble, ils obtenaient la rectitude indispensable à l’édifice harmonieux.

Mais le terme Lacs d’Amour vient en réalité de l’héraldique. On le retrouve dans le blasonnement des armes de Savoie et de Bretagne, où il est nommé nœud de Savoie ou nœud de Bretagne. Ce motif rendait hommage aux Franciscains, alors appelés Cordeliers. Leur ceinture de corde, nouée de trois nœuds, rappelait leurs vœux de pauvreté, chasteté et obéissance. La charité ardente de saint François d’Assise fit naître l’expression : Lacs d’Amour. Ici, “lacs” s’écrit toujours avec un “s”, même au singulier, car il vient du latin laqueus, signifiant corde ou attache.

Au XVIIIᵉ siècle, les francs-maçons français adoptèrent ce symbole. Issus souvent de la noblesse, ils étaient familiers du langage héraldique. Le Lacs d’Amour devint alors l’ornement de la corde entourant la loge. On ne faisait plus référence à la charité de saint François, mais à l’amour fraternel qui unit les maçons. Et l’on rapprocha ces nœuds de la position des bras croisés lors de la Chaîne d’Union.

Le symbole se déploya ensuite sur de nombreux décors : tapis de loge, tabliers, cordons, gants, chapeaux, bijoux. À chaque fois, il rappelle que la franc-maçonnerie n’est pas une somme d’individualités, mais une fraternité vivante. Le nœud devient le signe visible de l’union et de la concorde.

On peut même voir dans le Lacs d’Amour une figure d’infini, proche du lemniscate. Comme si ce nœud disait que la fraternité maçonnique est appelée à dépasser le temps et l’espace, pour inscrire chaque initiation dans une continuité spirituelle.

Ainsi, derrière un simple nœud de corde, se cache tout un enseignement. Opératif ou symbolique, héraldique ou maçonnique, le Lacs d’Amour dit toujours la même chose : seul l’accord des volontés permet de bâtir un édifice digne de porter la Lumière.