La robe rituelle en franc-maçonnerie : ni genre, ni décor, mais signe
Des francs-maçons en robe ? L’idée fait sourire certains, soupirer d’autres. D’aucuns y verront une lubie féminine ou un glissement vestimentaire post-moderne. Pourtant, la robe rituelle en franc-maçonnerie n’a rien d’un accessoire tardif. Elle précède largement l’admission des femmes en loge. On la trouve dans les hauts grades du XVIIIe siècle, dans les Rites Égyptiens, dans plusieurs Side Degrees anglo-saxons — et, plus récemment, dans les obédiences féminines ou mixtes. Bref : la robe rituelle en franc-maçonnerie est une affaire sérieuse. Ce vêtement maçonnique ne dit rien du genre, mais beaucoup de la fonction. Il ne flatte pas l’apparence, il signifie le passage. La tenue maçonnique féminine ne fait que prolonger, à sa manière, une tradition plus ancienne qu’on ne l’imagine.
1. Une tradition oubliée : la robe rituelle en franc-maçonnerie dans les hauts grades
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la robe rituelle en franc-maçonnerie n’est pas une invention récente ni une spécificité féminine. Elle apparaît dès le XVIIIe siècle dans plusieurs hauts grades, notamment au sein du Rite Écossais Ancien Accepté. Les rituels mentionnent clairement le port d’une robe rituelle au 19e, 23e, 24e, 27e, 28e et 29e degré, avec des couleurs précises : blanc pour les 19e et 23e, bleu étoilé au 24e, rouge aux 28e et 29e. À cela s’ajoutent, pour certains Présidents d’Atelier, des manteaux ou tuniques différenciés, comme une tunique jaune sur robe rouge au 23e, ou un manteau d’hermine au 27e.

Membres du Suprême Chapitre du Royal Arch anglais
Rien d’anecdotique ici. Ces couleurs ne sont pas décoratives, elles codent une fonction, elles disent quelque chose du rôle et de la charge du porteur de la robe. Le blanc dit la pureté et la lumière, le rouge l’autorité, le feu, peut-être le sang, et le bleu céleste relie à une transcendance ordonnée. La robe rituelle en franc-maçonnerie n’est pas un costume de théâtre, mais un vêtement de passage, d’autorité et de savoir. Ce n’est pas un hasard si des logiques semblables se retrouvent dans les Side Degrees anglo-saxons, comme le Royal Arch, où les Trois Principaux revêtent des robes spécifiques — parfois somptueux, toujours signifiants. Là encore, l’habit ne fait pas le Maçon, mais il manifeste la fonction.
2. Les rites égyptiens : une autre tradition vestimentaire
Dans la franc-maçonnerie bleue, l’usage de la robe rituelle reste marginal — sauf dans une filiation bien particulière : celle des rites dits égyptiens. Dès la fin du XVIIIe siècle, le Rite Égyptien de Cagliostro semble introduire une forme de vêtement distinctif, dont on retrouve une trace plus formelle dans les rituels du Rite de Misraïm, rédigés entre 1815 et 1820. Ici, la robe blanche fait partie intégrante de la tenue maçonnique. Le Rite de Memphis, fondé en 1838, adopte lui aussi la robe, mais en modifiant la couleur : elle devient bleu ciel, comme un écho à la voûte étoilée.
La robe rituelle en franc-maçonnerie, dans ces contextes, ne joue pas le même rôle que dans les hauts grades du REAA. Elle n’est pas réservée à un degré élevé, elle structure l’ensemble de la tenue dès la loge bleue. Elle inscrit d’emblée l’initié dans une symbolique du corps transformé, du silence habité, du dépouillement. On peut y voir le signe d’une maçonnerie plus liturgique, plus visuelle, parfois critiquée pour cela — mais qui assume pleinement le lien entre rituel et incarnation.
3. Le retour contemporain de la robe rituelle en franc-maçonnerie
Avec la création de la Grande Loge Féminine de France en 1946, la robe rituelle en franc-maçonnerie trouve un nouveau souffle. Elle est cette fois noire, par choix symbolique : le noir absorbe la lumière, comme l’initiée est censée recevoir la Lumière. Certains y ont vu un signe d’effacement, voire de négation de la féminité — allant jusqu’à qualifier la robe de “tchador maçonnique”. Ce genre de lecture, aussi sommaire que condescendante, rate le cœur du sujet. La robe, ici, ne dissimule rien : elle unifie, elle prépare, elle installe l’égalité des Sœurs dans la loge.

Robe rituelle noire de la GLFF
Dans les loges masculines, il suffit d’imposer un costume sombre et une cravate. Dans les loges féminines, cette apparente évidence devient un casse-tête. La robe vient résoudre cette tension vestimentaire, tout en inscrivant le corps dans un langage symbolique commun. Elle ne gomme pas les différences : elle les fait taire, le temps du rituel. Et cette logique n’est pas propre à la Grande Loge Féminine de France. D’autres obédiences féminines ou mixtes, comme la Grande Loge Féminine de Memphis-Misraïm, optent elles aussi pour une robe, parfois blanche, parfois noire. Là encore, un choix qui dit quelque chose du dépouillement attendu — et de la fonction rituelle du vêtement.
4. Usages actuels : entre cohérence symbolique et diversité des pratiques
Le port de la robe rituelle en franc-maçonnerie n’est pas universel. Certaines obédiences féminines ou mixtes y tiennent, d’autres s’en passent. La Grande Loge Féminine de Memphis-Misraïm adopte la robe blanche, dans une logique de dépouillement lumineux. À l’inverse, les obédiences issues de la tradition de la GLFF — comme la Grande Loge Féminine de Suisse — privilégient la robe noire, fidèle à l’idée d’absorption de la Lumière lors de l’initiation.

Annie Besant entourée de membres du DH anglais
Le Droit Humain, de son côté, avait commencé par imposer une sorte de chasuble blanche, pour y renoncer quelques années plus tard. Quelques ateliers l’ont conservée ou adoptée localement, mais l’usage reste rare. Rien de tout cela n’est incohérent. La robe n’est pas un article de foi. C’est un outil symbolique. Elle peut disparaître sans nuire au travail, mais elle peut aussi, quand elle est choisie en conscience, renforcer le climat rituel : effacer les différences visibles, marquer le seuil, faire silence autour du corps. C’est peut-être cela, au fond, sa fonction la plus discrète : créer une égalité de présence.
5. Que nous dit encore la robe rituelle en franc-maçonnerie ?
Elle n’est pas indispensable. Elle n’a rien d’universel. Elle n’est même pas toujours comprise. Et pourtant, elle revient. Par choix, par fidélité, ou par intuition. La robe rituelle en franc-maçonnerie agit comme un rappel : le rituel se vit aussi par le corps. Le vêtement n’est pas un simple habit. Il prépare, il encadre, il signale qu’on entre dans un autre temps.
La robe ne dit pas : “je suis ceci ou cela”. Elle dit : “je suis prêt à me taire, à recevoir, à servir le travail commun.” Elle n’est ni masculine, ni féminine. Elle est verticale. Elle relie le sol et l’invisible. On peut s’en passer. Mais quand elle est là, elle dit sans parler ce que la loge est censée incarner : un espace de dépouillement, d’écoute, de transformation.
Conclusion
Faut-il porter la robe en loge ? La question n’appelle pas de réponse générale. Certains rites l’imposent, d’autres l’ignorent, d’autres encore la redécouvrent. Elle n’est ni un signe d’orthodoxie, ni un ornement facultatif. Elle est un seuil. Un vêtement qui prépare l’entrée, non sur une scène, mais dans un espace intérieur. Elle impose le silence sans l’exiger. Et parfois, ce simple geste — enfiler une robe, effacer l’apparence, faire corps avec le rituel — suffit à rappeler que la franc-maçonnerie ne se pense pas seulement, elle se traverse.
Par Ion Rajolescu, rédacteur en chef de Nos Colonnes — au service d’une parole maçonnique juste, rigoureuse et vivante.
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FAQ — La robe rituelle en franc-maçonnerie
1. La robe rituelle en franc-maçonnerie est-elle réservée aux femmes ?
Non. Elle est attestée dans plusieurs hauts grades dès le XVIIIe siècle, portées par des hommes. Son usage est antérieur à l’admission des femmes en loge.
2. À quoi sert la robe rituelle en franc-maçonnerie ?
Elle marque un changement d’état. Elle efface les différences visibles, installe le silence, et inscrit le corps dans un espace symbolique préparé au travail.
3. Quels degrés du REAA prévoient une robe rituelle ?
Les rituels mentionnent une robe au 19e, 23e, 24e, 27e, 28e et 29e degrés, avec des couleurs et des fonctions différentes selon le grade et le rôle.
4. Toutes les obédiences féminines ou mixtes imposent-elles le port de la robe ?
Non. Certaines, comme la GLFF ou la GLFMM, le pratiquent largement. D’autres, comme le Droit Humain, laissent l’usage au choix des ateliers.
5. Pourquoi la robe est-elle noire dans certaines loges ?
La couleur noire, notamment à la GLFF, symbolise l’absorption de la lumière. L’initiée, dans le noir, est censée recevoir la Lumière à travers le rituel.
6. La robe blanche a-t-elle une autre signification ?
Oui. Elle évoque le dépouillement, la pureté, la disponibilité. C’est la couleur adoptée par la GLFMM, par exemple, dans une logique d’élévation et de neutralité.
7. La robe rituelle est-elle utilisée en loge bleue ?
Très rarement dans les rites les plus connus. Elle apparaît surtout dans les Rites Égyptiens, comme Misraïm et Memphis, dès les premiers grades.
8. Est-elle obligatoire dans les Side Degrees anglo-saxons ?
Pas toujours, mais fréquemment. Dans le Royal Arch, par exemple, les Trois Principaux portent des robes codifiées, aux couleurs symboliques précises.
9. Le port de la robe est-il un dogme maçonnique ?
Non. Il s’agit d’un choix rituel, parfois d’un usage local. La robe n’est ni imposée ni proscrite, mais elle est toujours signifiante lorsqu’elle est présente.
10. Que révèle le retour de la robe dans certaines loges ?
Il traduit une volonté de retrouver une liturgie plus incarnée, plus silencieuse, où le corps joue pleinement son rôle dans l’acte rituel.
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